Théorie cognitive de l’évaluation émotionnelle

« Vos perceptions et vos pensées créent votre réalité et votre vérité »

« Les théories cognitives de l’émotion partagent le point de vue selon lequel l’individu est continuellement engagé dans des opérations de comparaisons cognitives. Il confronte sa perception de la situation présente à une vision prospective qui lui vient à la fois de sa connaissance du monde, de ses croyances, de ses normes, et de ses objectifs. » (B. Rimé, p. 10).

La composante cognitive d’une émotion renvoie donc à l’évaluation dynamique que le sujet fait de la situation et de son état émotionnel. Elle aborde les dimensions et les processus qui confèrent une signification émotionnelle à un événement ou à un stimulus particulier.

« Aucun auteur ne peut se passer de la notion d’évaluation quand il s’agit des conditions déterminantes des émotions. » (B. Rimé, 2016, p.2).

Le processus d'évaluation émotionnelle

Les composantes du processus émotionnel

Phase 0 : État de veille

« Rien dans notre intelligence qui ne soit passé par les sens » – Aristote

« Selon Magda Arnold (1960), qui fut la première à utiliser le terme d’appraisal, l’organisme évalue constamment la pertinence des changements de l’environnement pour son bien-être, contrôle l’absence ou la présence de stimuli significatifs, qu’ils soient bénéfiques ou menaçants, faciles ou difficiles à approcher ou à éviter. » (M. Lajante, O. Droulers, 2013, p.171)

De toute évidence, les émotions nous informent que quelque chose se passe. Une réponse émotionnelle négative comme la peur par exemple, nous signale que quelque chose ne va pas ; qu’il existe un décalage entre ce qu’il se passe et nos attentes par rapport à une situation, au monde qui nous entoure, etc. (Adapté de B. Rimé, 2020)

Phase 1 : Perception

« La perception précède la réalité » – Andy Warhol

« La perception n’est donc jamais neutre. Elle est toujours le lieu d’une rencontre entre une sensation et des attentes du sujet. » (Adapté de B. Rimé, 2020 et de B. Rimé, 2016, p. 8)

« Toute perception implique donc une certaine « coloration » de la relation du sujet à l’objet perçu, c’est-à-dire, un processus d’évaluation (en anglais, appraisal) de la stimulation. Cette coloration n’a pas nécessairement un caractère émotionnel. On peut apprécier un objet comme plus grand ou plus petit qu’un autre. On peut porter des appréciations de type économique ou commercial. Mais souvent, cette évaluation se double d’une poussée définie, vers ou à l’écart de l’objet. C’est ici que prend place l’émotion selon la « théorie de l’appraisal » de Magda Arnold. » (B. Rimé, 2016, pp. 8 et 9)

Phase 2 : Activation de la signification émotionnelle

« L’émotion est une tendance d’action ressentie, attraction ou répulsion, qui se manifeste de manière non raisonnée et non volontaire en raison des attentes issues de l’expérience antérieure du sujet. » (B. Rimé, 2016, p.9)

« Nico frijda (1986) a insisté sur le rôle central que les tendances d’action occupent dans les émotions […] À chaque type d’émotion correspondrait une tendance d’action caractéristique et les émotions vécues résulteraient, au moins en partie, de la prise de conscience des tendances d’action, c’est-à-dire, de l’impulsion à frapper, à fuir, à rechercher, ou à « être avec », ou à rejoindre. » (B. Rimé, 2016, p.10)

« Une telle évaluation se double immédiatement d’une attitude émotionnelle (peur, colère, dégoût…) qui s’installe presque aussi rapidement que la perception elle-même et qui suscite des impulsions nerveuses du cortex vers les centres du thalamus et de l’hypothalamus. Ceux-ci activent à leur tour des structures spécifiques d’expression faciale, de changements physiologiques et d’expérience subjective [l’individu émotionné se sent et se vit différemment]. » (B. Rimé, 2016, p. 9)

Phase 3 : Prise de conscience de l’émotion

« Analyse, décision… »

« Au moment où elle se produit, l’émotion nous contrôle, nous sommes pris au dépourvu. Mais dans un deuxième temps, le processus débouche sur une phase d’évaluation secondaire qui résulte de la prise de conscience de ces différents changements qui sont alors évalués comme souhaitables ou non. » (Adapté de B. Rimé, 2020 et de B. Rimé, 2016, p. 9)

« Nous avons beaucoup de leviers d’action sur les émotions, pour prendre nos distances, prendre du recul, etc. L’émotion est en quelque sorte un appel à notre conscience, un appel à réfléchir, à examiner, à organiser, etc. Et en particulier à produire du sens pour que nous comprenions la situation et que nous sachions ce qu’il faut faire. Et donc, l’incertitude est la première réaction en cas d’émotion parce qu’on est un peu perdu devant la situation.

L’important, c’est donc la prise de conscience de l’émotion. Que puis-je faire pour que l’émotion ne surgisse pas ? Pour qu’elle ne s’empare pas de moi et pour être en contrôle de ce qu’il m’arrive. » (Adapté de B. Rimé, 2020)

Phase 4 : Déploiement ou inhibition de l’action émotionnelle

« … Action ou inhibition ! »

« Selon le cas, l’évaluation secondaire entraîne le plein déploiement de l’action émotionnelle ou au contraire son inhibition. » (B. Rimé, 2016, p. 9)

En bref,

« L’expérience émotionnelle correspondrait ainsi à un pattern particulier d’évaluations cognitives sur différentes dimensions saillantes dans la situation. Les événements auxquels nous serions confrontés seraient, lorsqu’ils sont pertinents pour soi, sans cesse évalués et ré-évalués et l’émotion résultante pourrait augmenter la probabilité de voir apparaître certains comportements comme l’immobilisme ou la fuite. » (A. Nugier, 2009, p.10) 

Développements de la théorie de l’évaluation

« Les auteurs qui se rallient à l’analyse théorique de Magda Arnold sont nombreux. Certains ont contribué de manière importante aux développements ultérieurs de la théorie de l’évaluation.

Les 5 dimensions ou niveaux d’évaluation de Scherer

Scherer (1984) […] a spécifié le processus d’évaluation. Il considère que l’individu balaie continuellement les objets et événements de son champ perceptif selon une séquence qui, bien qu’extrêmement rapide, comprendrait toujours cinq niveaux différents d’évaluation de la situation : il s’agit de l’évaluation (1) de la nouveauté (y a-t-il un changement dans la situation externe ou interne ?), (2) du plaisir intrinsèque (la situation est-elle intrinsèquement agréable ou désagréable ?), (3) de la pertinence par rapport aux objectifs et aux besoins (la situation concerne-t-elle mes objectifs et besoins ? Facilite-t-elle ou gêne-t-elle leur poursuite ?), (4) de la capacité de faire face (cette situation est-elle soumise à mon contrôle ?), et (5) de la compatibilité avec les normes (la situation est-elle compatible avec les normes sociales et mes standards personnels ?). Dans chaque situation particulière, cette série d’évaluations débouche sur une configuration particulière de résultats. Cette configuration déterminerait si une réponse émotionnelle s’installera ou non, et dans le cas positif, quel type d’émotion sera déployé.

Le thème relationnel central de Lazarus

L’américain Richard Lazarus (1991) […] a souligné que les évaluations se combinent autour d’un « thème relationnel central » […] Il s’agit de la lecture consciente que le sujet fait de la situation et cette lecture domine ensuite le cours ultérieur des événements. Chaque type d’émotion a ainsi son thème relationnel central qui lui est caractéristique.

Les tendances à l’action de Frijda

Nico Frijda (1986) […] a insisté sur le rôle central que les tendances d’action occupent dans les émotions. Selon lui, les émotions et les tendances d’action sont une seule et même chose. […] À chaque type d’émotion correspondrait une tendance d’action caractéristique et les émotions vécues résulteraient, au moins en partie, de la prise de conscience des tendances d’action, c’est-à-dire, de l’impulsion à frapper, à fuir, à rechercher, ou à « être avec », ou à rejoindre. » (B. Rimé, 2016, p.9)

Bibliographie